vendredi 4 décembre 2015

Les difficultés pour aider psychologiquement autrui.



          Un correspondant m'a demandé dans un mail « Comment fais tu, as tu des trucs pour mieux comprendre quelqu’un que tu veux aider ? »
          Je vais essayer de répondre, mais ce ne sont pas des trucs, mais plutôt un comportement, qui s’est perfectionné avec l’habitude et les divers cas que j’ai pu rencontrer, tant dans ma vie familiale et professionnelle, que sur ce blog.

          Une première constatation, il n’y a pas de recette universelle : arriver à comprendre les sentiments d’autrui, ses émotions et sa souffrance, est variable selon les individus, selon l’interlocuteur que l’on a face à soi, selon le problème et sa cause, et selon le contexte du moment. Le langage , la façon de s’exprimer a également beaucoup d’importance, comme dans toute communication.

          Il faut d’abord ressentir des émotions : les mêmes que son interlocuteur : joie, peine, angoisse, douleur, peur, dégoût, colère et comprendre les émotions liées à l’amitié, à l’amour, à la haine… On ne peut pas ressentir les émotions de l’autre si’ on n’a pas une affectivité suffisante. La plupart des personnes y arrivent avec un peu d’entrainement, mais ce n’est pas toujours le cas.
          ll faut être dans un état affectif assez similaire et proche de son interlocuteur. On peut ressentir soi même une émotion, mais si l’état est trop différent de celui que l’on a en face de soi, il est difficile de le comprendre.
          Il ne faut pas confondre empathie et sympathie, car même si nous comprenons la douleur de l’autre, nous n’y sommes pas sensible de la même façon.
          Supposons que des personnes regardent un film où un homme bat sa femme.
          Un jeune enfant pleurera parce qu’il s’imagine recevoir une fessée et avoir mal.
          Un psychiatre comprendra la douleur de la femme, mais il est tellement habitué à des problèmes psychologiques qu’il n’aura pas une grande émotion.
          Mais supposons qu’il s’agissent d’une mère et que la jeune femme battue ressemble à sa fille, là, son émotion sera bien plus forte, parce qu’il y a ce lien affectif même s’il n’est que subjectif.
          Finalement, éprouver de l’empathie pour quelqu’un qui souffre, ce n’est pas seulement éprouver les mêmes émotions, parce que l’on est sensible, ou par mimétisme; c’est vraiment imaginer la douleur de l’autre et se l’approprier, c’est partager ses émotions, en faisant appel à son expérience et sa mémoire.

           Mais si on veut ensuite aider cette personne, il ne faut pas aller trop loin.
           Si je restais insensible, je ne comprendrais pas ses problèmes; si je me laissais aller à trop de sensibilité, je serais alors incapable de l’aider parce que ne maîtrisant pas mon émotion au profit de la raison, la logique et le pragmatisme. C’est en fait moins facile que l’on ne croit de ne rester que moyennement sensible.
          On peut parfaitement s’imaginer les émotions d’autrui sans partager les mêmes croyances, les mêmes désirs et pulsions, les mêmes intentions. Pour aider quelqu’un il faut avoir un certain recul, il ne faut pas se laisser entraîner dans l’émotion pure. Il faut certes comprendre et s’assimiler ses émotions et leurs causes, mais il faut en partie regarder la scène en spectateur, conserver sa logique et son esprit critique.
          Il faut finalement tout en éprouvant de l’empathie pour lui, voir la situation autrement que son interlocuteur, pour pouvoir lui montrer ce qu’il n’a pas pu ou n’a pas su voir. C’est beaucoup plus facile avec quelqu’un d’extérieur qui ne vous est pas proche, qu’avec quelqu’un de sa propre famille, car là, on est trop impliqué sentimentalement.
          Je reprends l’exemple de la personne battue, une adolescente par ses parents ou par des camarades de lycée.
           Si je ne m’imagine totalement sa souffrance corporelle, au points de la ressentir presque, certes je comprends une partie de sa douleur, mais ce n’est pas comprendre ses émotions.
          Par contre, en discutant avec elle, j’arrive à comprendre la situation, le contexte, les causes, à analyser ce que ressent mon interlocuteur, quelle est la nature de ses émotions, que j’arrive à imaginer ce que je ressentirai moi même en tenant compte de sa personnalité, là je ne ressens pas la douleur physique, mais vraiment l’état subjectif de la personne que j’ai en face de moi.
          Je peux alors aller plus loin avec mon imagination : c’est essayer de trouver les réponses qui pourraient améliorer la situation, apaiser les souffrances, faire aussi cesser ses causes, mais je dois alors analyse le fruit de mon imagination, critiquer mes idées voir leur vraisemblance, leur chance d’aboutir et ensuite les confronter à la réalité de l’autre.

          Enfin je mets en garde surtout les jeunes qui essaient d’aider leurs amis.
          Assimiler ainsi la souffrance d’autrui est quelque chose d’éprouvant si on ne prend pas assez de recul, si on se laisse soi même gagner par l’émotion. Si la douleur de l’autre vient trop en nous, elle peut devenir insupportable et il y a donc un risque de contagion.
          J’ai connu des jeunes qui, en voulant aider leur petit(e) ami(e), en dépression, ont fini eux mêmes en dépression, car ils n’avaient pas l’expérience et le recul nécessaires pour cette lourde tâche.   
           Si un jour vous sentez, en aidant quelqu’un, que vous êtes vous même dépassé(e) par vos émotions, il faut appeler à l’aide, car il y a parfois des situations trop difficiles pour une seule personne, même si elle est motivée par l’amour ou par une grande amitié.
 

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