Olivier Houdé, professeur de psychologie à l’Université Paris Descartes et directeur du laboratoire du développement et de l’éducation des enfants, a souvent écrit des articles sur l’influence du numérique sur le cerveau des jeunes de 12 à 24 ans, qui ont grandi avec les ordinateurs, les jeux vidéo, internet et les téléphones portables (c'est dire les écrans et les claviers).
Bien entendu la structure du cerveau ne se modifie pas pour autant. Il faut des milliers d’années pour que l’évolution de Darwin intervienne.
Mais notre cerveau, à la naissance, n’a que ce qui lui permet de faire vivre le corps, mais un énorme potentiel, que la vie, l’éducation, l’instruction développent peu à peu, grâce à nos possibilités d’apprentissage et de mémorisation.
Pour se développer, l’enfant doit découvrir par ses sens, ses actions et ses pensées, les lois de fonctionnement du réel. L'éducation et l'instruction sont fondamentales.
On ne naît pas intelligent, on le devient, à condition qu’on nous aide à le devenir !!
Le cerveau reste le même, mais ce sont les circuits utilisés qui changent peu à peu, par habitude et apprentissage.
Les jeunes ont l’habitude du clavier pour l’écriture, le jeu, les SMS et donc un circuit de réponse, presque réflexe, ultra-rapide, va de l’oeil sur l’écran au pouce sur le clavier.
En fait, dans notre cerveau, nous avons trois circuits de décision (voir schéma ci dessus) :
- l’un, rapide et presque inconscient, qui est celui du cerveau émotionnel et des centres amygdaliens. Il est câblé pour réagir très vite en cas de danger notamment.
Il amène une solution de mise en œuvre immédiate.
- le second circuit est celui de la logique et de la réflexion. C’est le cortex préfrontal qui mène le jeu, mais il n’est pas tout seul. Il demande son avis au cerveau émotionnel qui fait des simulations sur ses réactions face aux diverses décisions possibles et donne son avis, tandis que ce cortex frontal étudie la même chose en termes de prévisions logiques et factorielles.
- un troisième circuit dans la partie antérieure préfrontale, qui va arbitrer entre les différents avis, et qui comporte notamment un circuit de détection des erreurs, et un circuit d’inhibition, qui bloque certaines des décisions, trop inconscientes et trop rapides.
C’est notamment ce circuit que développe l’instruction et qui est un des composants de l’intelligence. Il permet d’inhiber les automatismes de pensée quand on doit faire appel à la logique ou à la morale. C'est la "résistance cognitive".
A force de taper sur les claviers, les jeunes développent davantage le premier circuit rapide et donc au détriment des deux autres circuits de réflexion et prise de recul et d’inhibition des erreurs.
Le schéma ci dessous que j’ai emprunté à Sciences et Avenir illustre cette théorie.
Les deux circuits de réflexion et d’inhibition des erreurs sont des circuits d’adptation, pour résister à des réponses impulsives erronées.
Le cerveau résiste à lui-même. Mais la maturation de ce processus est lente au cours du développement de l’enfant et de l’adolescent. Le cortex préfrontal n'est mature qu'entre 20 et 25 ans !
Il permet d’éviter des décisions absurdes, parfois collectives d’entraînement à des actions néfastes en groupe, de résister aux croyances erronées, de comprendre l’opinion d’autrui et de l’admettre différente de la sienne, de ne pas se comporter comme un mouton dans un groupe, d’éviter des réactions violentes ou de découragement…., bref de s’adapter à la vie en société.
Nous développons ces circuits dans notre vie de tous les jours, mais c’est surtout l’éducation et l’instruction qui sont amenés à les développer.
Dans la mesure où les jeunes ne les développent plus assez par eux mêmes, il faudrait au contraire, les entraîner davantage au raisonnement et à l’inhibition de leurs pulsions inconscientes.
Or les parents le font de moins en moins, sont le plus souvent laxistes, n’ont pas le temps de s’occuper de leurs enfants, croient que la crèche, la maternelle et l’école sont là pour suppléer à ce manque d’éducation, et les professeurs ne sont pas formés pour faire face à ces problèmes; on ne les destine qu’à enfourner du savoir.
Olivier Houdé déplore d’ailleurs dans d’autres articles, que les IUFM d’hier ou les ESPE actuelles, qui forment les professeurs, n’enseignent que les théories de Piaget sur le développement de l’enfant, qui certes ont des parts avérés, mais d’autres contredites par les recherches actuelles de neuropsychologie, de la même façon que les enseignements de psychologie font encore trop mention des théories de Freud, complètement périmées.
Je me demande si une partie des comportements absurdes des jeunes d’aujourd’hui, des comportements destructifs, voire de violence, des harcèlements en classe, et de la fragilité psychologique de certains, ne sont pas dus à ce manque de développement de leurs circuits de contrôle et d’inhibition.
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