mercredi 8 avril 2015

Diverses sortes de suicides




         Comme beaucoup de personnes, j’ai été touché, peiné et indigné aussi par le crash de l’Airbus dans les Alpes. Comment admettre qu’on puisse se suicider en emportant dans la mort avec soi 150 personnes, dont une vingtaine de jeunes ? Qu’a t’il pu se passer dans la tête du pilote, dont le métier est d’assurer la sécurité des passagers et à qui ceux-si font toute confiance? 

J’ai été confronté une vingtaine de fois à des suicides, mais c’étaient des jeunes qui avaient des idées noires, qui ressentaient une grande souffrance psychique, qui sentaient venir une « overdose de souffrance » et avaient peur de passer à l’acte. 
Ces personnes étaient encore capables de raisonner et leur bon sens les faisaient rechercher quelqu’un pour parler, pour évacuer leur souffrance, pour chercher conseils et réconfort, dans l’espoir de renoncer à leur pulsion.
Bien sûr on n’est pas à l’aise en face, car on a toujours peur de ne pas arriver à les calmer, mais finalement, en discutant avec elles de leur problèmes, on arrive peu à peu à les ramener dans l’espoir en une vie plus agréable.
Avec ces jeunes je n’ai été confronté qu’à un seul type de situation : « l’over-dose de souffrance » et elle ne concernait que l’individu seul et l’une des pensée qui le retenait était la peur de faire souffrir ses parents et ses proches. Ils n’étaient pas suffisamment décidés à passer à l’acte pour ne plus penser qu’à cela et à passer dans un monde irréel où le reste ne compte plus.
Mais ces situations m’ont amené à lire des études sur les motivations des personnes suicidaires.
Le premier cas correspond à l’aggravation des cas que j’ai connu. Les psychologues l’appellent le « suicide mélancolique ».
C’est le plus courant, celui des personnes dépressives, pour lesquelles chaque instant qui passe est une torture, qui, pour elles est devenue un horizon définitif et insurmontable. Elles envisagent alors la mort comme l'unique moyen d'échapper à une situation épouvantable.
Mais c’est leur problème personnel et elles n’entraîneraient pas d’autres avec elles.

Une autre forme de suicide est celui que les psychologues appellent « narcissique ». Il concerne souvent des personnes qui ont des besoins affectifs importants et qui n'ont pas été aimées et comprises comme elles le souhaitaient.
Ces personnes peuvent se suicider pour faire comprendre à ceux qui ne se sont pas assez occupés d’elles, qu’ils les ont fait énormément souffrir au point de les faire mourir. C'est une manière de ne plus se faire oublier, d’obliger ceux qui ne les ont pas assez considérées au cours de leur vie, de le faire après leur mort.
Une variante du suicide narcissique est celle où le problème n’est pas affectif au sens sentimental, mais où il d’agit de la considération des autres, de la réussite dans la société ou dans un métier.. A l’aspect psychique, peut s’ajouter le stress de l’emploi, la peur de la perte d’emploi ou des problèmes financiers et de la peur de la pauvreté.
Dans le même ordre d’idées, certaines tentatives de suicides peuvent être surtout un appel à l’aide, pour attirer l’attention sur sa condition, sur sa souffrance.

Une forme particulière est celle du suicide de personnes âgées qui considèrent avoir réalisé ce qu'elles devaient accomplir, et qu’elles n’ont plus grand chose à attendre de l’existence, voire que la vie est absurde et qu'il est incohérent de la poursuivre.
Cela peut correspondre aussi à la souffrance suite à une maladie grave et je ferai demain un article sur l’euthanasie.

   Il y a enfin le suicide que les sociologues appellent parfois « philosophique » ou « fataliste » et qui est à la base des attentats-suicides. Mais on peut toujours se demander si la personne l’a vraiment fait par convictions ou si on ne l’a pas  droguée ou l’on n’a pas suffisamment fait pression sur elle pour que sa décision ne soit pas réfléchie.

Ce que j’ai tiré surtout de ces lectures, c’est que l’on ne savait pas pourquoi la personne passait soudain à l’acte, que le suicide était imprévisible, qu’il pouvait survenir brutalement sans presque de préavis, que c’était une pulsion incontrôlable, et qu’il fallait réagir avant pour ne pas atteindre ce stade. C’est une sorte de « ras le bol » et c’est pour cela que je parle souvent « d’overdose de souffrance ».
J’ai lu également que plus de 80% des personnes ayant commis un suicide souffraient d'un trouble mental, le plus souvent en rapport avec leurs amis ou leurs familles.

Reste le problème : comment peut on entraîner d’autres personnes dans sa propre mort ?


  La plupart du temps ce n’est pas prémédité. Au moment où il passe à l’acte, l’individu ne raisonne plus; il est sous l’emprise d’une pulsion et cesser de vivre devient une obsession et il ne pense plus aux conséquences de son acte. C’est le cas de personnes qui se suicident aux gaz et qui provoquent une explosion qui entraine d’autres victimes.
Dans certains cas paradoxalement certains cèdent à une pulsion altruiste et entraînent leur famille dans la mort, pour qu’elle ne souffre pas de leur propre disparition.
Un certain nombre de suicides n’interviennent que parce que l’alcool ou la drogue a complètement annihilé les facultés intellectuelles de la personne, qui fait alors n’importe quoi.
Mais la maladie mentale apporte également ce type de déséquilibre : schizophrénie, troubles bipolaires notamment.
Et malheureusement les médicaments que l’on donne à ces malades pour les soigner ne sont pas sans danger, et les réactions peuvent être différentes d’un individu à l’autre et d’une période à l’autre. Paradoxalement certains neuroleptiques ou antidépresseurs, voire psycho-stimulants, destinés à lutter contre l’anxiété, peuvent dans certains cas imprévus, augmenter le risque de passer à l’acte.
La baisse de vigilance et de raisonnement peut constituer un  risque si on a une tâche incombant une certaine attention, une certaine responsabilité et un risque d’accident.
             Je ne sais pas ce qui s’est passé dans le cas du pilote de l’Airbus. il semble q’u’il était au bord du désespoir parce que conscient que son état physique allait lui interdire la poursuite de son métier, de ses ambitions et de ses rêves, et ôtait ses raisons de vivre.
Mais son acte semblait mûrement réfléchi, prémédité, et il ne pouvait ignorer qu’il entraînait les passager dans la mort. mais sous l’effet des médicaments et de sa dépression, raisonnait il encore, était il encore lucide, où n’avait il plus en tête que sa propre mort. On ne le saura sans doute jamais.
Ce qui est certain c’est qu’il n’aurait jamais dû être sur le siège de pilote. On a invoqué le secret médical, mais à mon avis, ce n’est pas valable.

           J’ai eu la responsabilité d’établissements où des ouvriers travaillaient sur des machines, avec un certain risque, faible d’accident, mais possible en cas d’inattention.
Le secret médical est impératif, mais n’existe pas entre médecins.
          Quand une personne avait un problème grave, son médecin avertissait le médecin du travail de l’établissement, et celui-ci, sans donner la cause médicale exacte, informait la hiérarchie du problème et demandait à ce qu'on le chan ge provisoirement de poste.
          Et nous suivions toujours ces conseils !

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